Synergies Venezuela Nº 2 (2006) pp. 258 - 265


Réussir une évaluation sommative en classe de langues grâce à une évaluation formative performante

Mercedes Vallejo*, Lucía Estrada**

*Universidad de Antioquia. **Universidad Nacional. Medellín, Colombia
mvallejog@gmail.com

Résumé

Face à de nouvelles tendances proposant l’évaluation des compétences linguistiques des étudiants de langues étrangères, diverses orientations se manifestent visant les instruments, les modalités d’évaluation les types d’épreuves et les tâches évaluatives qui permettraient d’apprécier leur performance dans des situations réelles de communication spécialement dans des domaines académiques. L’évaluation sommative, celle qui permet de mesurer au terme des apprentissages, le niveau de capacité communicative acquise par les étudiants, pour être promus par l’institution, doit être soutenue par une évaluation formative efficace, qui informe régulièrement au professeur et à l’étudiant sur les réussites, les difficultés et les carences, de manière à pouvoir mettre en place les stratégies de régulation et autorégulation par les acteurs du processus d’enseigner et apprendre une langue étrangère.

Mots-clés:

Évaluation sommative, évaluation formative, évaluation continue, construct, autonomie

Alcanzar una evaluación sumativa exitosa en clase
de lengua gracias a una evaluación formativa eficaz

Resumen

Ante las nuevas tendencias que propone la evaluación de las competencias lingüísticas de los estudiantes de lenguas extranjeras, surgen diversas orientaciones en cuanto a los instrumentos, las modalidades de evaluación los tipos de pruebas y las tareas evaluativas que permitan apreciar el desempeño en situaciones reales de comunicación especialmente en ámbitos académicos. La evaluación sumativa, aquella que permite medir al término de los aprendizajes, el nivel de capacidad comunicativa adquirido por los estudiantes, para ser promovidos por la institución debe estar apoyada por una evaluación formativa eficaz, que informe regularmente al profesor y al estudiante sobre los logros, las dificultades y las carencias para que se puedan poner en marcha las estrategias de regulación y autorregulación por parte de los actores del proceso de enseñar y aprender una lengua extranjera.

Palabras clave:

Evaluación sumativa, evaluación formativa, evaluación continua, constructo, autonomía.

Aiming for a sucessful summative evaluation
in the foreign language class through an effective formative evaluation

Abstract

Due to the appearance of new tendencies that propose the evaluation of linguistic competences among the students of foreign languages, diverse directions, related to the instruments, the evaluative modalities, the type of tests and the evaluative tasks, have emerged allowing the performance of real communicative situations to be visible, mainly in academic environments. The summative evaluation, the one that allows to measure, at the end of the learning process, the level of communicative capacity acquired by the students, in order to be promoted by the institution, must be based on an effective and formative evaluation, which should regularly inform both, the teacher and the student, about the reached goals, the difficulties and the deficiencies so that the regulation and self regulation strategies could be set out by the ones responsible of the process of teaching and learning a foreign language.

Key words:

Summative evaluation, formative evaluation, continuous evaluation, construct, autonomy.

Nous souhaitons en tant qu’enseignants chercheurs partager nos réflexions issues d’une expérience de recherche-action concernant les Pratiques évaluatives dans l’apprentissage des langues étrangères. Nous ne prétendons en aucun cas faire une analyse des résultats, mais nous voudrions insister une fois de plus sur l’importance d’une évaluation correcte de la capacité communicative (1) des élèves et de son incidence sur leur passage en classe supérieure. Nous souhaiterions susciter chez nos collègues la prise de conscience des effets positifs qu’une démarche d’évaluation formative formalisée et systématisée pourrait produire sur les résultats d’une évaluation sommative, et c’est toujours dans l’esprit de mieux réussir le processus d’apprentissage d’une langue étrangère.

La recherche a été menée de février 2003 à février 2005, dans le cadre des actions de coopération de deux universités publiques de Medellin, et à partir d’effectifs de professeurs d’anglais et de français et de leurs élèves en formation professionnelle dans les domaines de génie, de sciences naturelles et de sciences sociales et humaines. Il s’agissait d’étudier les pratiques d’évaluation mises en place par les professeurs; leurs discours et leurs croyances qui sous entendent la prise de décision; le degré de cohérence entre pratiques et discours; de même que l’expérience d’évaluation vécue par les étudiants. Ce travail a été fait à partir d’entretiens réalisés auprès des enseignants et de leurs élèves, suivi de l’observation minutieuse des instruments d’évaluation recueillis et analysés. Le fait de s’interroger sur les pratiques en se demandant ce qu’ils évaluaient, pourquoi, quand et comment ils le faisaient constituait alors le point de départ de notre réflexion.

Partant du fait que lorsqu’on développe un processus d’enseignement d’une langue étrangère, il faudrait d’abord mesurer le degré d’apprentissage, l’évaluation ne peut pas être laissée au hasard, car l’implication académique et sociale de ce genre de décisions exerce une influence sur la carrière des étudiants. S’il est question de porter un jugement sur leur capacité communicative pour prendre une décision visant à la poursuite des apprentissages, l’enseignant doit se donner des outils et des tâches évaluatives qui aient un sens pour les élèves.

Bien que nos enseignants fassent de gros efforts pour mettre en place des dispositifs d’évaluation variés, nous ne pouvons ignorer que l’évaluation «repose sur un certain réalisme» comme l’exprime Perrenoud (1994:93), c’est-à-dire que l’on évalue toujours rapidement et que l’on tient à conserver une routine d’évaluation par-delà les réformes des programmes et les discours réformistes du système. Et cela est dû non seulement comme l’affirme Morin (1998:30) à «la grande morosité» qui existe peut-être chez les enseignants et qui les empêche de modifier leur état d’esprit pour affronter la mise en oeuvre d’une évaluation adaptée à l’éducation du monde actuel et du futur; mais aussi aux enjeux éducatifs, économiques et sociaux auxquels échappent les efforts des enseignants.

Les indices de cette recherche nous ont permis de constater qu’il n’y avait pas de consensus chez les enseignants de langues étrangères par rapport à l’évaluation des apprentissages; il y aurait plutôt un manque de fondement mis en évidence lors de la multiplicité d’images et de représentations sur les types d’évaluation existants, les activités réalisées, le construct évalué, les instruments élaborés ou les critères de promotion utilisés. Ils utilisent un ensemble de termes incompris et parfois contradictoires qui conduisent à des concepts confus. A des questions telles que: «définissez-vous les critères d’évaluation dès le début d’un cours?», «quels types de contrôles utilisez-vous afin d’évaluer les apprentissages?», «quels aspects décident de la réussite des élèves?», «mettez-vous en place des activités d’auto évaluation et de retro alimentation?» la plupart des enseignants a répondu de façon vague, comme par exemple; «Je n’utilise pas le mot contrôle parce que cela fait peur», «je garde en mémoire le contrôle continu des élèves», «on évalue d’une manière informelle», «l’évaluation est très spontanée, je ne fais pas un registre de contrôle continu des élèves», «nous les enseignants, nous demandons constamment si nous sommes en train d’évaluer correctement nos élèves»(2). Néanmoins, on a pu constater qu’un grand nombre d’activités d’évaluation dite formative (auto évaluation, évaluation continue, retro alimentation) sont mises en place dans leur classe de langue; mais elles ne sont ni systématisées ni reconnues en tant que telles. On dirait alors que les enseignants la considèrent comme une évaluation qui ne comporte que des critères subjectifs.

L’évaluation formative performante…

Une des réflexions les plus récurrentes lors de nos réunions de recherche portait donc sur l’évaluation formative et sur sa véritable fonction de relever les points forts et les points faibles de l’élève; elle offre des informations pertinentes aux enseignants afin de modifier leurs stratégies d’enseignement et aux élèves afin de régler leur processus d’apprentissage. Cela s’avère possible grâce à la mise en place systématique et formelle des activités d’évaluation formative telles que l’évaluation continue, la rétro alimentation, l’auto évaluation, et l’autonomie. Reprenons brièvement ces concepts fondamentaux:

Nous considérons que ce sont des éléments sine qua non pour une évaluation formative performante et nous insistons sur le fait que ces notions soient mises en place d’une manière consciente, systématique et formelle pour que l’évaluation formative ait du sens. Cela a fait l’objet de maintes discussions lors de notre travail de recherche où nous avons rencontré chez les enseignants des concepts qui ne coïncidaient pas du tout avec ceux de leurs collègues ni avec ceux de leurs élèves et qui nous ont fait penser qu’ils proposaient des activités non planifiées. Il y avait par exemple le cas de la retro alimentation qui est perçue par les élèves comme un appui de type cognitif tandis que les enseignants la conçoivent comme une aide purement affective. On parle en fait d’une retro alimentation dite «de consejería afectiva» (de conseil). L’on trouve ensuite l’auto évaluation qui apparaît comme étant peu utilisée et mal comprise puisqu’on y trouve des témoignages qui soulignent l’auto évaluation comme la discussion faite avec un étudiant sur son processus et non comme la tâche réalisée par l’élève lui-même.

Ces outils comportent un exercice purement formatif qui prépare mieux l’élève dans sa capacité communicative. Rappelons que le but de l’évaluation formative, comme le dit G. de Landshère, cité par Meyer (1995:21), est de «reconnaître où et en quoi un élève éprouve une difficulté qui appelle une action corrective. Elle ne se traduit pas en note et encore moins en score». C’est justement l’un des imaginaires qui existe chez les enseignants qui visent à réaliser des notations à des activités d’évaluation formative; ce qui pourrait donner comme résultat un passage en classe supérieure erroné.

…relève d’une démarche rigoureuse

L’essentiel consiste à comprendre la démarche rigoureuse de cette évaluation. Bien qu’elle n’accorde pas de notes, elle implique une activité stricte et structurée qui comporte aussi la flexibilité et la volonté de la part de l’enseignant. L’adoption d’une culture de l’écrit pourrait habituer les enseignants à la construction de fiches de progrès ou de tableaux de suivi, ce qui permettrait la systématisation et la formalisation du travail autour de l’évaluation formative. Celle-ci ne veut pas dire « laisser-faire » et observer, c’est aussi proposer des «savoirs et savoir-faire» aux élèves pour les aider à s’approprier la langue et à s’en servir.

Le fait de concevoir le travail pendant le processus (formatif) et le travail après chaque unité ou en fin de cours (sommatif) nous permettrait en outre de faire appel à des activités différenciées d’évaluation qui tiennent compte des rythmes des élèves; sans que cela devienne une contrainte à l’heure de la notation puisque la note, c’est-à-dire, celle qui permet la promotion de l’élève doit avoir son origine dans une évaluation sommative commune à tous. Ainsi, nous pourrions faire une évaluation formative respectant l’hétérogénéité des élèves et une évaluation sommative visant l’homogénéité de la capacité communicative. C’est-à-dire que la diversité doit être prise en compte dans un processus d’apprentissage comportant des activités d’évaluation formative.

En fait, une évaluation formative doit être basée sur un plan, supportée par des grilles d’appréciation, de registres de progrès, voire d’instruments permettant de bien cerner l’information afin de fournir aux enseignants des éléments de base sur lesquels porterait le jugement sur le degré de maîtrise des objectifs d’apprentissage visés, et ce non seulement de manière globale sur l’ensemble des élèves de la classe, mais de manière individuelle sur l’évolution de l’apprentissage de chaque élève et les blocages qui gênent la progression.

Un construct bien conçu

Par ailleurs, il faut mettre en relief la notion de construct comme l’élément le plus important lors de la construction d’instruments d’évaluation, notamment dans l’évaluation sommative qui est celle qui décide de la promotion. Lorsqu’on parle du construct on fait référence à «ce que l’on évalue». D’après le Multilingual glossary of language testing terms (1998: 16) on entend par construct «l’attribut hypothétique des individus ou opération mentale qui ne peut être directement ni mesurée ni observée (par exemple, en évaluation des langues, la capacité de compréhension orale)». La définition du construct consiste non seulement à délimiter la composante linguistique à évaluer mais aussi à décrire l’activité à travers laquelle on évalue une telle composante. En fait, la définition du construct se fait parallèlement avec la définition des tâches à accomplir par l’élève afin de prouver sa capacité communicative.

Or ce niveau de communication ne peut être évalué correctement qu’à partir d’un construct défini en termes langagiers. Bien qu’une évaluation formative comporte nécessairement un travail accompagné des valeurs et des attitudes (respect, ponctualité, intérêt, participation), qui vont incontestablement faciliter l’appréhension des acquis, celles-ci ne peuvent pas faire partie du construct de l’évaluation sommative qui qualifie les compétences linguistiques.

Évaluation sommative/notation des élèves

Nous avons obtenu cet éclaircissement à la suite de nombreuses discussions: c’est plutôt à l’évaluation sommative que l’on peut accorder le rôle de moyenne. Alors que l’évaluation formative prépare l’élève à une meilleure maîtrise de la langue, l’évaluation sommative, quant à elle, en rend compte et ce afin de répondre à une politique éducative qui continue à exiger des résultats quantitatifs.

Évaluation sommative/passage en classe supérieure

Les critères de passage doivent être précisés lors de la conception d’un cours des langues, qui, d’après D.Lussier (1992:55) «deviennent les indices de mesure dont il faut s’inspirer au moment d’élaborer des situations d’évaluation et des grilles d’appréciation». C’est là où l’instrument d’évaluation prend son sens puisqu’il rend compte des performances des élèves. S’il s’agit par exemple d’un instrument d’évaluation traditionnelle comme l’examen ou le QCM, il doit être pourvu des qualités que proposent Bachman, E. L. et S. Palmer dans Language Testing in Practice (1996); la Fidélité visant à ce que la construction de l’épreuve soit d’autant plus exacte qu’un évaluateur quelconque donne son jugement dans les mêmes termes qu’un deuxième évaluateur; la Validité du contenu, c’est-à-dire la pertinence de ce que l’on est censé évaluer; l’Authenticité comme étant le rapport entre les tâches d’une épreuve et l’usage de la langue dans la vie quotidienne; l’Impact ou influence qu’une épreuve ou examen exerce sur le milieu social, éducatif et personnel et finalement la Praticabilité se référant à des ressources nécessaires à la réalisation de l’épreuve et celles dont on dispose. G. de Landshere cité par Tagliante (2002: 30) signale aussi que «pour mériter le nom de test, un examen doit être standardisé, fidèle, valide et étalonné». Cependant, s’il s’agit d’un instrument d’évaluation alternative tel que l’entretien ou l’exposé on parlerait plutôt des caractéristiques comme la démocratie, la transparence et l’authenticité. Quoi qu’il en soit, cet instrument doit être bien conçu car c’est lui qui permettra de rendre compte de façon plus fiable des performances des élèves.

L’évaluation formative et l’évaluation sommative comprennent dans leur ensemble ce que nous pourrions appeler une évaluation de réussite, dans le cas, bien entendu, où elles se mettraient en place de façon rigoureuse. L’évaluation formative comportant l’auto évaluation, la retro alimentation, le contrôle continu et le travail autonome ainsi que l’évaluation sommative mise en place au moyen d’un instrument pourvu des qualités nécessaires et comportant un construct défini en des termes linguistiques vont de pair pour la réussite de l’évaluation. S’il y a une évaluation formative convenable, cela dynamise la progression de l’élève et le prépare à une évaluation sommative qui déclenche une véritable promotion.

Notes

1.

Ce terme a été adopté par notre Groupe de Recherche pour faire référence à la connaissance linguistique, organisationnelle et pragmatique et à la compétence stratégique du planning, monitoring et d’auto régulation et pour éviter d’en utiliser à chaque fois un terme différent comme habilité linguistique, compétence langagière ou autres utilisés indifféremment par les enseignants.

2.

Témoignages des enseignants participants aux entretiens.

3.

Les premiers résultats de notre recherche concernant les analyses des instruments d’évaluation en langues étrangères sont publiés par FRODDEN, RESTREPO, MATURANA dans la revue Íkala, Revista de Lenguaje y Cultura. Universidad de Antioquia, Escuela de Idiomas. Vol.9 No.15, enero-diciembre, 2004 p. 171-201.

Références