Synergies Venezuela Nº 2 (2006) pp. 242 - 257
Tendances
actuelles dans l’évaluation
des compétences de production orale
Janina Di Pierro
Universidad del Zulia. Maracaibo, Venezuela
jdipierro_99@yahoo.com
Résumé
Cette étude présente les nouvelles tendances d’enseignement d’une langue étrangère dans l’évaluation des compétences orales à l’aide des grilles prédéterminées qui seront à la disposition du professeur au moment d’évaluer. C’est une étude bibliographique où les théories servent de support aux tendances pour l’évaluation des compétences productives orales. Le but de cette analyse est de présenter les techniques d’évaluation pouvant êtres appliquées tenant compte des théories sous-jacentes. Grâce à une analyse de l’approche communicative, de l’orientation éclectique et du constructivisme, l’objectif est donc de découvrir ce que chaque approche propose comme outil d’évaluation. On se centrera également sur le processus et non pas sur le produit. Une étude de l’évaluation orale et des grilles de catégories ont été prévus, ainsi que quelques concepts de base à propos de l’évaluation traditionnelle et de l’évaluation alternative. En guise de conclusion, on détermine les bénéfices que les nouvelles tendances en évaluation peuvent offrir aux enseignants et aux apprenants.
Mots clés:
Évaluation, compétences orales, enseignement des LE.
Tendencias actuales en la evaluación de las competencias de producción oral
Resumen
Este trabajo presenta las nuevas tendencias en la enseñanza de una lengua extranjera en lo que concierne a la evaluación de destrezas productivas orales, y ofrece una serie de tablas y parámetros que pueden ayudar a los profesores a evaluar sus alumnos. Este estudio de tipo bibliográfico documental, cuyo marco-teórico referencial fundamenta las nuevas tendencias para la evaluación de destrezas orales, contribuye con diversas actividades que pueden cambiar la forma de evaluar. El propósito de este análisis es el de presentar las técnicas de evaluación que se pueden aplicar, en relación con las teorías subyacentes. Tomando en cuenta el enfoque comunicativo, el eclecticismo y el constructivismo en la evaluación de una LE, el objetivo es visualizar qué herramientas proporciona cada una de ellas de acuerdo con su principio centrándose en el proceso de enseñanza y aprendizaje, mas no en el producto. Se proporciona además un estudio de evaluaciones orales junto con las categorías de evaluación. La determinación de algunos conceptos básicos en evaluación dentro del marco de la teoría ya mencionada, muestra los instrumentos con los cuales cuenta el profesor, para beneficio tanto de profesores como de estudiantes, a modo de facilitar el proceso de enseñanza y aprendizaje.
Palabras clave:
Evaluació0n, destrezas orales, enseñanza de LE.
Current evaluation trends for oral production skills
Abstract
This paper presents the current theories for FL teaching in evaluation of oral skills, and offers a series of established tables of parameters that can help teachers evaluate their students. It is a bibliographical documental research, where the theoretical background supports new tendencies for assessing oral skills contributing with a variety of activities that can change the way teachers evaluate. The purpose of this analysis is to present which techniques in evaluation can be applied along with the underlying theories. By taking into account the communicative approach, the eclectic tendency and constructivism in FL assessment, the aim is to visualize what each one of these theories proposes as an assessment tool. Also the objective is focused in the process of teaching-learning, not the product. A study in oral evaluation is provided along with a set of categories for assessment. Determining some basic concepts in assessment within the principles already mentioned, picture what instruments FL teachers have, and the benefits both teachers and students can get in order to ease the teaching-learning process, are the main purposes of this paper.
Key words:
Assessment, oral skills, FL teaching.
«Si on veut profiter du monde, on doit voir et entendre
avant de faire»
(Aesop).
Introduction
Dans le contexte qui suit, cette phrase s’adresse aux professeurs afin qu’ils comprennent l’importance d’écouter et de regarder ce qui nous entoure, nos étudiants et nous-mêmes, avant de prendre n’importe quelle décision.
Au cours des années, l’évaluation est devenue objet de grand intérêt. De nouvelles techniques d’enseignement et apprentissage ont pris la place des modèles anciens, cependant, les professeurs traditionnels ne voient pas l’importance de changer leurs outils d’évaluation. Un changement engage la planification, la préparation, la recherche de matériel d’actualité, bref, un grand effort, du temps et de la motivation. Puisque les nouvelles approches d’enseignement du FLE sont venues renouveler les méthodes et les activités, c’était clair que l’évaluation devait être conçue de manière différente et prise de la main avec l’approche adoptée.
L’approche communicative, l’orientation éclectique et le constructivisme conforment la base théorique des tendances appliquées. Elles nous offrent une alternative d’enseignement et cela implique plus de motivation pour les étudiants et professeurs, puisque le but est l’obtention des meilleurs résultats tout au long du processus d’enseignement apprentissage. Chaque approche offre une variété d’idées pour améliorer les outils et les ressources des professeurs faisant de l’évaluation un reflet de ces activités.
Ces nouvelles techniques d’enseignement du FLE soulignent l’importance de quelques principes pour le processus d’enseignement apprentissage: l’étudiant n’est plus passif, mais il accompli un rôle actif. A propos de l’évaluation, les nouvelles tendances ont modifié la façon d’évaluer les étudiants. Cependant l’évaluation des compétences orales a toujours été difficile en ce qui concerne quoi, comment, et quand elle devrait être faite.
Cette étude présentera un parcours du rôle de l’évaluation dans les différentes méthodes jusqu’à l’actualité; ainsi que quelques suggestions pour l’évaluation orale. Le portfolio, l’auto-évaluation et la co-évaluation sont devenus des outils importants aussi bien pour le professeur que pour l’étudiant, puisque le professeur peut évaluer le progrès pendant le cours, et l’étudiant peut se rendre compte de ce qu’il a appris, il peut observer ses erreurs d’un point de vue différent de celui offert par le professeur.
Le succès de n’importe quel type d’évaluation va dépendre de la sélection efficace et l’utilisation des outils appropriés ainsi que des procédures d’interprétation des performances des étudiants. Étant donné cette délicate problématique, des grilles de paramètres pour l’évaluation des compétences orales productives seront présentées.
D’autre part, la communication est une partie intégrante des méthodes et des approches récentes: les dialogues appris par cœur, les modèles et les «drills» ne sont plus appris. Le système d’évaluation avait besoin d’être changé puisque de nouveaux critères ont été ajoutés: la fluidité, la compréhension, le vocabulaire, l’expression et la créativité. Les critères anciens comme la grammaire, la prononciation et l’intonation ne sont plus les seuls. Néanmoins, un professeur, comment peut-il évaluer? Quels sont les critères les plus importants à considérer: la grammaire, la prononciation ou la fluidité? Quand devrait-on évaluer? Quel type d’évaluation: formative ou sommative? Laquelle devrait être la plus importante? Les deux?
Le but de cette étude est d’examiner quelles possibilités ont les professeurs pour rattacher ce qu’ils font en classe avec leur façon d’évaluer. En plus, quelques recommandations pour l’évaluation orale sont fournies comme référence pour les professeurs de FLE.
Théorie conceptuelle
Ce travail présentera tout d’abord la dichotomie entre les mots « valorisation » et «évaluation », puisqu’ils sont normalement confondus. D’autre part, l’importance de l’évaluation formative et sommative sera aussi exposée. On proposera des grilles de paramètres, qui peuvent être adaptées et utilisées, pour l’évaluation orale. De plus, il sera nécessaire de présenter les approches anciennes dans le but d’avoir une vision d’ensemble du développement de l’évaluation des compétences orales au long des années. Cela donnera le support théorique pour l’utilisation de l’approche communicative, de l’orientation éclectique et du constructivisme.
Valorisation et Évaluation
D’après le dictionnaire Oxford (2000:61), la valorisation est définie comme:
1.
«Une opinion ou un jugement à propos de quelqu’un ou quelque chose qui a été réfléchi très sérieusement»
2.
«Juger ou donner une opinion à propos de quelqu’un ou quelque chose.»
Les deux définitions coïncident en ce que la valorisation implique une opinion. La première définition contient un mot clé, important dans le processus d’enseignement apprentissage: réflexion sérieuse». Pour valoriser la performance d’un étudiant, le professeur doit avoir les connaissances à propos du thème ou de la langue, il doit être qualifié pour donner la correction adéquate, sans donner des sentiments de frustration à l’étudiant.
La valorisation a un champ plus large que celui de l’évaluation. Quand l’étudiant répond à une question ou participe aux activités de classe, le professeur fait une valorisation de sa performance (Brown, 2001). Ce même auteur explique que la valorisation devrait être appliquée de façon continue, même si elle est accidentelle ou intentionnelle. Selon lui, la valorisation accidentelle est celle spontanée, par exemple, une faute de prononciation qui est corrigée immédiatement, pendant le processus d’enseignement apprentissage. D’autre part, la valorisation intentionnelle fait référence à un plan à priori du professeur, c’est-à-dire, le professeur a une intention de correction, qui est normalement faite à la fin de la séance, elle vise le produit et non pas le processus.
La valorisation doit être présente tout le temps, puisque les étudiants ont toujours besoin de rétro alimentation ou «feedback», ainsi que la sécurité de savoir que ce qu’ils font ou disent est correct.
D’autre part la valorisation peut être formelle ou informelle, formative ou sommative, basée sur le produit ou sur le processus (Brown, 2001). La valorisation informelle est aussi appelée évaluation formative, puisque elle implique une observation du processus d’apprentissage, et elle est faite de manière continue et constante. Ce qui est important est la rétro alimentation du professeur, et le renforcement pendant la leçon, ce qui enlève la tension des élèves d’un contrôle et leur performance et leur connaissance ne sont pas basées sur une note d’un examen. Ce type de valorisation devrait être prise en compte beaucoup plus que la valorisation sommative et formelle.
Brown explique aussi que la valorisation formelle est la très célèbre évaluation sommative, basées toutes les deux sur le produit de l’apprentissage, ce qui engage une planification de la part du professeur et synthétise la compréhension de l’élève. Elle est normalement appliquée à la fin de la leçon ou de l’unité. Comme on l’a déjà vu, elle est basée sur le produit de l’apprentissage, puisqu’elle synthétise si ce qui a été expliquée, a été compris.
Une définition d’évaluation d’après le dictionnaire Oxford (2000:1343): «Examiner la connaissance ou la compétence de quelqu’un à travers des questions ou certaines tâches qui doivent être accomplies».
Cette définition donne une idée des exercices par rapport aux tests, qui ont le but de mesurer la performance et la compétence de l’étudiant. L’examen est une technique qui permet au professeur de mesurer mathématiquement, la performance d’un étudiant. D’après Brown, il y a plusieurs types d’examens d’après leur but: examen de connaissance, diagnostique, de niveau et d’aptitude. Les tests de connaissance sont ceux qui vérifient ce qu’une personne maîtrise d’une langue étrangère. Des exemples de ce type de tests sont le TOEFL (Test of English as a Foreign Language) et le DELF (Diplôme d’Études en Langue Française). Les tests diagnostiques sont appliqués au début d’un cours pour vérifier les connaissances des étudiants. Les tests de niveau sont appliqués pour vérifier le niveau de connaissance d’une personne, par rapport au programme ou curriculum de l’institution. Les tests d’aptitude mesurent la compétence d’une personne pour apprendre les langues étrangères; ces derniers sont appliqués au Département des Langues Modernes de l’Université du Zulia pour tous les jeunes qui veulent faire la Licence en Education option Langues Modernes.
Comme on a pu observer, la valorisation et l’évaluation sont des termes différents, mais souvent confondus par professeurs et étudiants; cependant, il est nécessaire de souligner leur importance dans le processus d’enseignement-apprentissage.
Bref parcours méthodologique
Les compétences orales de communication sont connues comme «l’écoute» et «le parler». L’écoute est une compétence réceptive, alors que le parler implique la production dans la langue. Dans cette étude, la compétence productive du parler sera prise en considération pour le processus d’évaluation.
Dans toutes les époques, l’évaluation a suivi la tendance de la méthode utilisée par le professeur. Un bref parcours des méthodes et approches s’avère donc nécessaire.
La méthode Grammaire-Traduction, utilisée à la fin du XIXe siècle et au début du 20e, était unique: elle consistait à de longues explications de grammaire, des listes de mots à être mémorisées, traduction de la langue maternelle à la langue étrangère et vice-versa, entre autres. Les cours étaient donnés en langue maternelle et il ne fallait pas que le professeur maîtrise parfaitement la langue étrangère (Delmastro, 1995). Évidemment la prononciation et les tâches communicatives n’étaient pas considérées: l’évaluation orale n’était donc pas nécessaire à cette époque-là.
Pendant la seconde guerre mondiale (1936-1945), une méthode a changé drastiquement la façon d’apprendre les langues: la méthode audio linguale, basée sur l’approche structuraliste. Elle postulait que les langues étaient mieux apprises à travers des modèles pour la formation d’habitudes. Les répétitions en étaient partie importante et le but principal était accordé aux compétences orales: écouter et parler. L’évaluation orale consistait à la répétition constante et presque exacte des phrases proposées, en négligeant la production libre (Delmastro, 1995).
Quelques années plus tard, une nouvelle méthode a pris la place de la méthodologie audio linguale, le Code Cognitif, basé sur l’approche rationaliste de la langue. Sous cette approche, la langue devait être apprise sous forme de processus mentaux, la connaissance devant toujours précéder la performance. On privilégiait les quatre compétences, et la leçon se déroulait sous forme de présentation des règles, la pratique et les activités significatives. L’évaluation orale était appliquée sous forme de dialogues et de jeux de rôles, des exercices beaucoup plus difficiles à évaluer, si on les comparait à ceux de la méthode Audio linguale (Delmastro, 1995).
D’autre part, la méthode Directe, créée par De Sauzé et Berlitz dans les années quatre-vingt, se centrait sur l’immersion dans la langue. Les dialogues étaient contextualisés pour permettre à l’étudiant une immersion dans le pays où la langue étrangère était parlée. Ces cours se caractérisaient par un nombre réduit d’étudiants, des professeurs natifs, et une visée à une prononciation native. La grammaire n’était pas explicite, et le syllabus était progressif, allant des tâches les plus simples, à celles les plus compliquées. L’évaluation était notée pendant toutes les séances et la maîtrise de la langue permettait d’indiquer si l’étudiant pouvait réussir. (Delmastro, 1995).
L’approche naturelle, créée par Krashen et Terrell en 1977 a développé cinq hypothèses à propos de l’apprentissage d’une langue. Celles-ci peuvent être résumées comme suit:
Dans cette méthode, la période silencieuse était respectée; les professeurs devaient attendre jusqu’au moment où l’élève se sentait prêt pour donner sa performance. L’évaluation orale était appliquée quand les étudiants réussissaient à communiquer, ce qui se passait pendant la troisième étape, appelée «Emergence du parler » (Delmastro, 1995).
D’autres méthodes, telles que la suggestopédie, l’apprentissage en communauté et l’approche globale sont des méthodes humanistes où l’étudiant devient le composant le plus important du processus. Ces méthodes avaient l’intention de motiver les étudiants en réduisant leur anxiété, pour que l’apprentissage soit facile et en donnant aux étudiants la responsabilité de leur performance, ainsi qu’une collaboration entre pairs, nullement travaillée avant. L’évaluation orale n’était pas appliquée comme un test, puisque l’idée était de ne pas angoisser l’étudiant.
Ainsi, avec ce survol des méthodes et des approches, on peut comprendre pourquoi et comment les étudiants sont devenus importants dans le processus d’apprentissage. Cependant, l’évaluation orale n’est pas prise en compte d’une façon sérieuse. Si les professeurs doivent être attentifs à corriger, comment peuvent-ils baisser le filtre affectif? Comment appliquer l’évaluation à l’oral?
Tendances actuelles
Dans l’actualité, de nouvelles théories ont pris la place des méthodes anciennes, et elles sont très répandues dans l’enseignement du FLE: l’approche communicative, l’orientation éclectique et le constructivisme.
Tout d’abord, l’approche communicative, développée dans les années quatre-vingts, a été utilisée pendant les deux décades suivantes. Elle souligne les besoins des étudiants dans le but d’atteindre la compétence communicative (Hymes, 1972; cité par Harmer, 2001). Les exercices de grammaire sont remplacés par le travail en groupe et en couple, et on développe des activités telles que l’«information gap» ou vide d’information visant la recherche des solutions aux problèmes posés. Une nouvelle terminologie vient changer l’évaluation: les fonctions qui déterminent le but de la langue, le pourquoi de l’activité communicative, accompagnées par les notions et le vocabulaire. Ce qui est important dans cette approche est le désir qu’ont les élèves pour le fait communicatif (Harmer, 2001).
Liao (2001) explique que les étudiants suivant cette approche ont plus d’opportunités de produire des conversations plus libres, puisqu’ils travaillent sur des situations de la vie quotidienne. De plus, le rôle des professeurs change: ils deviennent des guides, des conseillers, ils ne sont plus le centre actif du processus. En revanche, les étudiants deviennent plus actifs parce que le processus est centré sur eux. Ce qui aide au développement de ce type d’approche est également le syllabus qui n’est plus linéaire mais cyclique, ce qui favorise la reprise des fonctions et structures pour une meilleure maîtrise chez les étudiants.
L’évaluation, de son côté change aussi: on évalue les mêmes activités pratiquées en classe, la grammaire est toujours implicite dans l’utilisation des fonctions et la traduction est quelque fois acceptable lorsque la compréhension n’est pas très évidente. Le matériel authentique est utilisé, c’est-à-dire, le matériel avec des buts pédagogiques est remplacé par ceux de la vie réelle. De cette façon l’étudiant travaille directement avec les documents qu’il utilisera un jour dans le pays où l’on parle la langue étrangère.
Un exemple d’une évaluation orale dans l’approche communicative est l’examen de connaissance du français, le DELF (Diplôme d’Études en Langue Française). La partie orale de cet examen aborde des exposés autour d’un thème, suivi d’un entretien avec un jury.
Un autre examen, c’est l’élaboration et dramatisation d’un dialogue: les étudiants disposent d’un quart d’heure pour développer un thème, et après ils doivent faire un dialogue avec le jury. Ce type d’examens est noté sur une échelle de 20 points, divisée de la manière suivante:
Capacité de communication
Capacité linguistique
Créativité d’expression /2
C’est un exemple des paramètres que les professeurs qui appliquent les examens DELF tiennent en compte, mais, est-ce qu’ils sont vraiment objectifs? Le jury n’a presque jamais de contact avec l’étudiant, et ils ont une méconnaissance des compétences des élèves, puisque tout est mesuré en quinze minutes, et le filtre affectif est très élevé.
La difficulté présentée dans l’évaluation des compétences orales reste toujours soumise à l’importance donnée aux fautes. Combien de points devrait avoir un étudiant tenant compte de sa performance? Est-ce que les évaluations orales sont vraiment nécessaires, ou un registre quotidien suffit pour évaluer la performance d’un étudiant? Ces questions et d’autres seront précisées plus tard, après avoir présenté les deux autres approches utilisées en FLE.
L’orientation éclectique tient en compte les méthodes antérieures, ayant en commun la base de l’approche communicative. C’était presque naturel de développer une approche sous la base des autres d’une façon planifiée et consciente (Brown, 2001). Cependant une nouvelle terminologie vient remplacer d’autres concepts: l’apprentissage coopératif, l’éducation globale, le programme basé sur tâches, sur le contenu, etc.
Selon Brown, l’apprentissage coopératif repose sur l’idée d’une coopération entre camarades à l’aide des techniques et activités qui empêchent la compétition. L’éducation globale fait référence à l’étude de la langue globalement et non pas divisée en parties. Le programme basé sur le contenu est l’étude de la langue à travers une U.V., par exemple, étudier la géographie en français. D’autre part, le programme basé sur des tâches est l’apprentissage d’une langue à l’aide des tâches ou des activités que les étudiants doivent accomplir.
L’évaluation va dépendre ainsi de l’accent mis par le professeur, de ce qu’il fait vraiment en classe et de ce qu’il veut développer chez les étudiants. Étant donné que l’orientation éclectique est communicative, l’évaluation sera semblable à celle appliquée sous l’approche communicative. Mais la question qu’on vient de se poser tout à l’heure reste la même: comment va-t-on évaluer les compétences orales? Quel type de paramètres de correction pourrait-on appliquer? Est-ce que la fluidité est plus importante qu’un bon usage de la grammaire? Si c’est ainsi, quel sera leur poids dans un test oral?
Dans le constructivisme, on développe un individu intégral, les étudiants apprennent comment apprendre, ils travaillent entre camarades pour potentialiser leur apprentissage. Les étudiants construisent leurs connaissances à partir des connaissances préalables; or il est nécessaire de partager et de construire une nouvelle théorie. Cela est expliqué dans la Zone de Développement Proximal, terme créé par Vygotsky (1978; cité par Delmastro, 2002). Cette théorie explique que l’individu peut mieux faire lorsqu’il travaille avec quelqu’un d’autre: la distance entre le niveau de développement réel et le niveau du développement potentiel.
Le constructivisme dégage aussi l’idée que l’apprentissage significatif peut modifier la structure mentale de chaque étudiant, ce qui lui permet de construire un nouveau niveau d’organisation et de complexité (Delmastro, 2002). Cette conception donne à l’étudiant un nouveau rôle: actif, engagé dans la quête de nouvelles stratégies et le développement d’un nouvel apprentissage à travers l’interaction avec le monde, les pairs et les professeurs.
L’impact du constructivisme dans l’évaluation est donné par le fait que la valorisation part du processus d’apprentissage, pour que les étudiants participent dans le jugement de leur progrès. L’évaluation est plus qualitative et intégrée, puisqu’elle fait partie du processus d’apprentissage: l’utilisation des ressources telles que le portfolio est une nouvelle stratégie d’évaluation. L’évaluation qualitative souligne l’importance du contenu du programme, la qualité des ressources, en opposition à l’évaluation quantitative, qui tient en compte la performance de l’étudiant sous forme de chiffres. D’après les théories constructivistes, le rôle de l’évaluation change: les étudiants ne sont pas évalués par une note, mais par leur effort dans le processus global.
Quelques analogies peuvent être retrouvées dans ces trois approches (fig. 1). Les trois approches ont en commun le fait que les étudiants sont le centre de l’enseignement, l’interaction entre eux est importante, ainsi que l’opportunité qu’ils ont de s’auto-évaluer et d’évaluer les autres.
L’évaluation orale aborde beaucoup d’aspects importants: la prononciation, la structure de la phrase, le bon usage de la grammaire et le vocabulaire entre autres; ce sont tous des aspects de la communication. Parmi quelques grilles d’évaluation développées, on pourrait nommer «The oral proficiency Interview» ou l’entretien oral de connaissance (Brown, 2001). C’est une grille de paramètres pour valoriser la prononciation, la fluidité, la compétence intégrée, la connaissance sociolinguistique et culturelle, la grammaire et le vocabulaire (Tableau 1).
Cette méthode d’évaluation offre une première ébauche d’un format d’évaluation; cependant celle-ci a été très critiquée à cause de la confusion au moment de valoriser l’étudiant, puisque elle n’offre pas de bons paramètres d’évaluation.
Une autre grille qui pourrait être utilisée est la grille à cinq niveaux, divisée en six catégories différentes (Tableau 2).
Tableau 2. Grille à cinq niveaux
|
Grammaire |
Vocabulaire |
Compréhension |
Fluidité |
Prononciation |
Tâche |
1 |
||||||
2 |
||||||
3 |
||||||
4 |
||||||
5 |
Source: Brown, 2001. (Traduction de l’auteur).
Si un étudiant obtient entre 1 et 2 dans toutes les catégories, cela signifie qu’il a des fautes dans tous les aspects. Une note de 3 signifie que l’étudiant a un niveau minimum pour se faire comprendre, mais les fautes l’empêchent d’avoir une expression et une compréhension à cent pour cent. Une note entre 4 et 5 signifie qu’il a un bon niveau de langue et qu’il peut s’exprimer comme un natif.
Un autre exemple est celui de l’échelle globale de valorisation (Harmer, 2001) (Tableau 3).
Frame 69Tableau 3. Echelle Globale de Valorisation
Score |
Description |
0 |
L’étudiant a un mauvais usage des mots, pas de compréhension |
1 |
L’étudiant est capable de transmettre des idées élémentaires. Il y a beaucoup d’hésitations et la prononciation empêche la compréhension du message |
2 |
L’étudiant transmet des idées élémentaires. La prononciation présente des erreurs de temps en temps et il y a un mauvais usage des structures grammaticales ce qui empêche la communication. |
3 |
L’étudiant transmet ses idées assez clairement. Il y a toujours des hésitations et les fautes de grammaire sont moins nombreuses. Cependant l’étudiant peut être compris. |
4 |
L’étudiant parle assez bien, montrant une habileté de communication pas trop troublée. |
5 |
L’étudiant parle avec fluidité avec très peu d’erreurs. |
Source: Harmer, 2001 (Traduction de l’auteur).
Ce tableau établit ce dont l’étudiant a besoin pour obtenir les notes; néanmoins, la description n’est pas totalement adéquate lorsqu’on trouve un étudiant avec une mauvaise prononciation, mais très peu de fautes de grammaire. Aussi y-a-t-il toujours le problème de déterminer ce qui devrait être significatif: le message,(avec quelques erreurs de grammaire), ou la bonne structure (avec quelques problèmes de prononciation).
Un autre modèle est constitué par le profil analytique, où la note de l’étudiant est analysée avec plus de détails (Harmer, 2001) (Tableau 4).
Tableau 4. Profil Analytique
Critères |
Note |
Fluidité |
|
Usage du vocabulaire |
|
Usage de la grammaire |
|
Compréhension |
|
Compétence d’auto-évaluation |
|
Tâche |
Source: Harmer, 2001 (Traduction de l’auteur).
La description est notée de 0 à 5, 5 étant la meilleure performance. Ce tableau nous montre une autre manière d’évaluer la compétence orale avec un résultat un peu plus objectif. L’échelle globale de valorisation et le profil analytique peuvent être utilisés pour l’évaluation, cependant un nouveau tableau devrait être dessinée afin d’éviter des confusions entre les aspects qu’on doit évaluer.
Un dernier tableau qu’on pourrait utiliser est celui de Salomé (1998). Ce tableau, simple dans son dessin, aborde quatre aspects: la grammaire, la prononciation, la compréhension et l’expression, dans une échelle allant de 1 à 3, où 1 est excellent et 3 n’est pas suffisant. Ce tableau n’étant pas aussi complet que les autres, pourrait être modifié selon les besoins de chaque cours (Tableau 5).
Tableau 5. Tableau d’observation
Étudiant |
Prononciation |
Grammaire |
Compréhension |
Expression |
Difficultés |
|
1 2 3 |
1 2 3 |
1 2 3 |
1 2 3 |
|
|
1 2 3 |
1 2 3 |
1 2 3 |
1 2 3 |
|
|
1 2 3 |
1 2 3 |
1 2 3 |
1 2 3 |
|
|
Adapté de Salomé, 1998.
Beaucoup d’autres modèles peuvent être créées est adaptés, mais il y a toujours un aspect important à tenir en compte: les catégories de base qu’on doit valoriser, à savoir: la prononciation-intonation, la grammaire, le vocabulaire, la fluidité, la précision et la compréhension.
En fait, la fluidité et la précision doivent être analysées très sérieusement: si l’activité a comme but la pratique d’un point spécifique, tel que la prononciation, alors les professeurs devraient évaluer la précision. Mais, si l’activité vise la communication, alors c’est la fluidité qui devrait être prise plus en compte. Néanmoins, dans les activités communicatives, la fluidité et la précision ne doivent pas être considérées de forme séparée, puisque la première reflète la maîtrise de la langue, et la seconde c’est l’adéquation de la langue. C’est pour cela que la valorisation informelle est nécessaire du fait que la performance d’un étudiant n’est pas la même en classe que pendant un entretien; la valorisation informelle permet ainsi d’évaluer l’étudiant pendant le processus et non seulement à la fin des cours.
Pour cela, quand on parle de valorisation informelle, il faut qu’on explique ce que l’évaluation alternative veut dire, et comment elle pourrait être intégrée dans nos cours. L’évaluation alternative est un terme désigné par Brown (2001) pour différencier les nouvelles activités d’évaluation de celles qui sont traditionnelles. L’évaluation alternative implique une innovation dans l’évaluation, en tenant compte de l’auto-évaluation et de la co-évaluation. Dans le tableau 6 on peut apprécier les deux types d’évaluation.
Tableau 6. L’évaluation traditionnelle et alternative
Évaluation traditionnelle |
Évaluation alternative |
Examens standardisés |
Évaluation continue |
Tests QCM |
Formats de réponse libre |
Items non contextualisés |
Tâches communicatives contextualisées |
Les notes suffisent pour le feedback |
Le feedback est formatif et interactif |
Privilégie la réponse correcte |
Privilégie la créativité des réponses |
Sommative |
Formative |
Orientée sur le produit |
Orientée sur le processus |
Motivation instrumentale |
Motivation intégrée |
Source: Brown, 2001 (traduction de l’auteur).
L’évaluation traditionnelle implique des contrôles sommatifs à la fin des cours, donc tous les efforts ne sont pas pris en considération: une note finale reflète tout le travail de l’étudiant. Les tests sont basés sur la grammaire, ce qui se traduit à l’oral par des questions du type: Quelle est la conjugaison du verbe aller au passé composé? Ce type de questions limite la vision de l’élève, coupe sa créativité, favorise la mémorisation des structures de la langue, et n’offre pas d’opportunité pour un vrai usage de la langue dans des situations de communication. En revanche, l’évaluation alternative motive l’étudiant à utiliser de façon créative la langue et à jouer avec les expressions et structures apprises d’une manière fonctionnelle.
Un nouvel outil qui pourrait être employé pour l’évaluation alternative est le portfolio. Les portfolios sont des collections des travaux des étudiants qui représentent une sélection de la performance de l’élève pendant le cours. Ces travaux montrent soit les efforts et le progrès atteint, soit les difficultés des étudiants. Les portfolios incluent aussi les réflexions des étudiants par rapport à leur apprentissage, ce qui met en valeur l’auto-appréciation de la personne, c’est-à-dire, l’auto-évaluation de ses compétences. Le portfolio privilégie le rôle actif de l’étudiant dans la construction de son apprentissage. Les portfolios promeuvent la coopération entre pairs puisqu’ils montrent leur travail aux autres, et il y a un échange d’opinions. Dans l’évaluation orale, les portfolios permettent l’enregistrement des dialogues et des exposés, pour que l’étudiant voie lui-même sa performance et puisse y réfléchir. De plus, cela permet aussi au professeur d’avoir un registre dès le début jusqu’à la fin.
Un autre type d’évaluation alternative est donnée par l’auto-évaluation et la co-évaluation. L’auto-évaluation permet à l’étudiant de prendre des responsabilités sur son apprentissage, pour qu’il se rende compte de ses faiblesses et de ses points forts, pour établir ainsi les stratégies qui pourraient améliorer sa performance. Des formats d’auto-évaluation peuvent être distribués aux étudiants pour qu’ils aient des paramètres pour s’auto-évaluer.
D’autre part, la co-évaluation est devenue une activité presque inconsciente où les étudiants voient et valorisent la performance de leurs camarades. Chaque fois qu’un étudiant hésite et un autre complète la phrase ou donne le mot correct, il y a de la co-évaluation. La tâche du professeur est alors d’expliquer comment évaluer et valoriser le travail d’un camarade à l’aide des certains paramètres (Shaaban, 2001).
En guise de conclusion
Il semble important de souligner ici que, cette recherche à propos de l’évaluation des compétences orales, offre une variété d’options pour tous les professeurs de langue étrangère. Les nouvelles tendances en évaluation entraînent un nouveau point de vue sur la façon d’envisager l’évaluation. Quelques tableaux de paramètres, d’après les théories étudiées, ont été présentés et discutés pour leur mise en pratique dans les cours. Cependant, il ne faut pas oublier que ces tableaux peuvent êtres modifiés par rapport aux besoins des cours, et aux besoins des étudiants. L’utilisation des portfolios est un outil alternatif qui permet une valorisation continue de la performance de l’élève. En plus, l’évaluation n’est pas un processus à une seule personne, le professeur, mais un processus à trois: l’étudiant, le professeur, les camarades. Si les étudiants sont bien guidés, ils peuvent bénéficier de cet accroissement intellectuel et devenir de meilleurs étudiants.
Pour les situations décrites, il semble que la valorisation des compétences orales peut être une tâche difficile, puisque les aspects affectifs et interpersonnels sont présents dans ce qu’on attend comme une bonne performance. En fait, la difficulté de ce type d’évaluation se centre sur la complexité de la tâche communicative qui implique aussi des catégories déterminées. C’est bien vrai que la prononciation, l’intonation et la grammaire sont importantes, mais, en même temps, d’autres aspects sont à considérer, tels que la fluidité, la précision, le vocabulaire, l’expression; tout cela deviendra le noyau de ce qu’un professeur devrait évaluer.
Cette étude offre des supports pour d’autres recherches en ce domaine, comme la présentation d’une liste d’activités et des tests oraux qui pourraient être appliqués. D’autre part, l’influence des variables cognitives peut être aussi étudiée pour envisager une nouvelle grille d’évaluation. De nombreux aspects sont encore à étudier dans ce domaine, mais une première approche a été présentée, ainsi que quelques idées pour les professeurs de FLE et d’autres langues étrangères.
Références
Annexes